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Droit de se retirer de son poste de travail en cas de péril imminent – Quelles conséquences ?

Droit de se retirer de son poste de travail en cas de péril imminent – Quelles conséquences ?

Publié le : 30/04/2020 30 avril avr. 04 2020

1. 

L’article I.2-26 du Code du bien-être au travail prévoit qu’« un travailleur qui, en cas de danger grave et immédiat et qui ne peut être évité, s'éloigne de son poste de travail ou d'une zone dangereuse ne peut en subir aucun préjudice et doit être protégé contre toutes conséquences dommageables et injustifiées. Il en informe immédiatement le membre compétent de la ligne hiérarchique et le service interne. » 

Le droit de retrait confère donc au travailleur exposé à un péril grave et immédiat le droit de se soustraire à la subordination qui le lie à son employeur en quittant son poste de travail et en cessant de travailler. Il ne peut subir aucune représailles [licenciement, sanctions…] en rétorsion de cette attitude.

2. 

Dans la mesure où il n’existe, à l’heure actuelle, ni traitement ni vaccin, l’absence des mesures de prévention adéquates par rapport à la nature du travail pourrait être de nature à exposer le travailleur à un « danger grave et immédiat », justifiant son droit au retrait. 

L’absence ou l’insuffisance des mesures de préventions devra être appréciée au cas par cas, notamment à la lumière des solutions suggérées par le guide des bonnes pratiques rédigé par les partenaires du Conseil supérieur pour la prévention et la protection au travail, en concertation avec la Cellule stratégique de la ministre de l’Emploi et des experts du Service public fédéral travail, emploi et concertation sociale. A cet égard, il reste important de souligner que la distanciation sociale ne suffit plus. 

3. 

Lorsqu’il exerce son droit de retrait, le travailleur conserve en principe son droit à la rémunération. 

Cette solution nous paraît évidente lorsque l’exposition au « danger grave et immédiat » résulte d’un manquement de l’employeur qui n’a pas pris les mesures suffisantes pour empêcher la survenance de cette situation. La faute implique la réparation du dommage qu’elle a causé, à savoir, le paiement de la rémunération perdue par le travailleur. 

4. 

La solution doit, à notre sens être nuancée, lorsque l’exposition au « danger grave et immédiat » ne résulte pas d’un manquement de l’employeur.  

En vertu de l’article 27, 2° de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail le travailleur apte au travail mais qui n’a pas pu débuter ce dernier ou le poursuivre pour une raison indépendante de sa volonté conserve son droit à la rémunération à certaines conditions [être apte à travailler, se rendre normalement au travail, être étranger à la cause empêchant le travail, perdre une partie de sa rémunération, ne pas se trouver dans la situation d’une grève]. 

En principe, l’article 27,2° ne garantit que le droit à la rémunération de la journée au cours de laquelle le travailleur a été empêché, totalement ou partiellement, d’exécuter sa tâche. 

Il incombe à l’employeur de payer ce salaire journalier garanti sauf dans les branches d’activité ou cette obligation est prise en charge par un fonds de sécurité d’existence (pour les ouvriers seulement) en vertu d’une convention collective de travail rendue obligatoire par arrêté royal. 

Si le travailleur constate que la situation n’a pas évolué au cours des jours qui suivent, il continuera à bénéficier de sa rémunération journalière garantie pour autant que les conditions d’application de l’article 27,2° précitées soient remplies [être apte à travailler, se rendre normalement au travail, être étranger à la cause empêchant le travail, perdre une partie de sa rémunération, ne pas se trouver dans la situation d’une grève]. 

Cette solution doit, à notre sens connaître une exception, lorsque l’exposition « danger grave et immédiat » résulte de la survenance d’un cas de force majeure, à savoir, un évènement imprévisible et insurmontable qui ne résulte pas de la faute de l’employeur. Dans ce cas, il faudrait considérer que le contrat de travail serait suspendu, en ce compris l’obligation de payer la rémunération, en application de l’article 26 de la loi sur les contrats de travail. 

Dans cette hypothèse, le travailleur pourrait bénéficier d’allocations de chômage dans le cadre du régime de chômage temporaire pour cause de Covid-19 ou, après la fin de la période de validité de ce régime spécial, dans le cadre du régime du chômage temporaire pour cause de force majeure moyennant reconnaissance de cette dernière par l’O.N.E.M. 
 

Luc Godin & Aurélie Blaffart, avocats associés, Miles Legal, Bruxelles 

Source : « Le droit de retrait : un outil juridique central pour assurer la protection effective de la santé des travailleurs en période de COVID-19 », Carnet de crise du Centre de droit public de l’ULB # 20 

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