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L’instauration d’un système temporaire de “carry back” des pertes fiscales : un cadeau de l’État aux entreprises ?

L’instauration d’un système temporaire de “carry back” des pertes fiscales : un cadeau de l’État aux entreprises ?

Publié le : 31/08/2020 31 août août 08 2020

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La loi du 23 juin 2020 portant des dispositions fiscales afin de promouvoir la liquidité et la solvabilité des entreprises dans le contexte de la lutte contre les conséquences économiques de la pandémie de COVID-19 (MB, 1er juillet 2020), corrigée par la loi du 15 juillet 2020 portant diverses mesures fiscales urgentes en raison de la pandémie du COVID-19 (CORONA III) (MB, 23 juillet 2020), permet aux sociétés d’imputer anticipativement les pertes fiscales subies suite à la pandémie de COVID-19 sur un exercice d’imposition précédent par le biais d'une exonération temporaire. 

Le nouvel article 194septies/1 § 1er du Code des impôts sur les revenus (ci-après « CIR 92 ») stipule que pour un exercice comptable clôturé au cours de la période allant du 13 mars 2019 au 31 juillet 2020, une société peut revendiquer l'exonération temporaire (report au plus tard sur l’exercice suivant) de tout ou partie du résultat de la période imposable en raison des pertes éventuelles supportées au cours de la période imposable suivante. 
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Ainsi, prenons l’exemple d’une société dont l’activité a généré un bénéfice de 250.000 € pour l’exercice comptable clôturé au 31 décembre 2019 (exercice d’imposition 2020). La société prévoit que les conséquences liées à la crise sanitaire et économique liée au COVID-19 vont l’amener à devoir supporter une perte de 75.000 € pour son exercice comptable 2020 (exercice d’imposition 2021). Grâce aux nouvelles mesures adoptées, elle va pouvoir imputer cette perte de 75.000 € sur l’exercice comptable précédent (exercice d’imposition 2020) et diminuer ainsi la charge fiscale durant la crise, voire même récupérer ses versements anticipés. 
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C’est ainsi un système de déduction anticipée des pertes qui est instauré. Alors que notre système fiscal habituel se fonde sur un système du « carry forward » (le report des pertes fiscales sur les bénéfices des années ultérieures), c’est un système inédit – pour la Belgique – qui est mis sur pied. Celui-ci a le mérite de permettre au contribuable de ne pas devoir supporter une charge fiscale à un moment où les liquidités viennent déjà à manquer. 

Pour l'exercice d'imposition 2019 ou 2020 correspondant à un exercice comptable clôturé au cours de la période allant du 13 mars 2019 à 31 juillet 2020, une société peut donc revendiquer l'exonération temporaire de tout ou partie du résultat de la période imposable en raison des pertes éventuelles supportées au cours de la période imposable suivante qui se rattache, selon le cas, à l'exercice d'imposition 2020 ou 2021. 
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Cette exonération est opérée par la constitution d'une réserve exonérée temporaire qui est déduite du montant total des bénéfices réservés imposables d'une période imposable qui se clôture au cours de la période allant du 13 mars 2019 au 31 juillet 2020. La réserve exonérée temporaire ne peut être constituée que pour une seule période imposable clôturée dans l'intervalle allant du 13 mars 2019 au 31 juillet 2020. 

Un projet d’avis de la Commission des normes comptables a été rédigé et était soumis à observations jusqu’à ce 21 août 2020.  

L’exonération résultant de la déduction anticipée de la perte devra faire l’objet d’une reprise l’année suivante, afin que la perte de 2020 (déduite de manière anticipée) soit bien neutralisée et ne puisse pas être à nouveau déduite, une nouvelle fois, sur l’exercice au cours de laquelle elle a été réalisée. 
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Le montant de l'exonération ne peut pas être plus élevé que (i) le montant du résultat de la période imposable, déterminé comme si l'exonération visée par le présent article n'était pas revendiquée, et diminué des revenus déductibles visés aux articles 202 à 205/1 et 543 CIR 92 qui ont été perçus au cours de la période impossible, ni que (ii) 20 millions d'euros. 
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Le contribuable est tenu de joindre un relevé conforme au modèle arrêté par le Roi, à la déclaration aux impôts sur les revenus, selon le cas, pour les exercices d'imposition 2019 et 2020 ou 2020 et 2021 ou, lorsque la déclaration relative à un ou plusieurs de ces exercices a déjà été introduite au moment de l'entrée en vigueur du présent article, de faire parvenir ce relevé complémentairement à la déclaration au plus tard le 30 novembre 2020 suivant les modalités déterminées par le Roi. 

L’une des principales difficultés réside dans le fait qu’au moment de l’introduction de la déclaration fiscale, la perte fiscale de la période imposable suivante est encore incertaine et ne peut pas encore être chiffrée avec exactitude. Il vaut mieux ne pas la surestimer puisque une « cotisation supplémentaire » est prévue en cas de surestimation de la perte envisagée. Un écart de 10 % maximum est toléré et n'entraîne pas d'imposition supplémentaire. Si la perte réelle est inférieure à 90% de la réserve constituée, l’écart est soumis à une cotisation distincte en 2020. Cette sanction est d’au moins 2 % et de maximum 40 %. 
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Toutes les sociétés ne sont pas admise à bénéficier du « carry back ». Ainsi, sont notamment exclues du bénéfice de l’exonération : 
  • les sociétés qui ont effectué durant la période du 12 mars 2020 jusqu'au jour de l'introduction de la déclaration se rattachant à l'exercice d'imposition 2021, un rachat d'actions ou de parts propres, une attribution ou distribution de dividendes, en ce compris les distributions de réserves de liquidation, une diminution de capital, ou toute autre diminution ou distribution de capitaux propres ; 
  • les sociétés qui qui, au cours de la période du 12 mars 2020 jusqu'au jour de l'adoption de la déclaration se rattachant à l'exercice d'imposition 2021, effectuent des transactions avec des "paradis fiscaux" sans activité économique réelle démontrable ou qui détiennent une participation dans une société établie dans un « paradis fiscal » ;  
  • ou encore les sociétés qui pouvaient être considérées comme entreprises en difficulté au 18 mars 2020 ; 
  • Sont également exclues dans certains cas, les sociétés d'investissement (organismes de placement collectif), les sociétés coopératives en participation et les sociétés de navigation maritime. 
  1.  
Cette mesure profite également aux entrepreneurs personnes physiques ainsi qu’aux titulaires de professions libérales puisque l’article 67 sexies CIR 92 prévoit que les bénéfices ou profits d'une période imposable liée à l'exercice d'imposition 2020 peuvent être totalement ou partiellement exonérés en raison de pertes éventuelles encourues au cours de la période imposable liée à l'exercice d'imposition 2021. Cette mesure est applicable tant à l’impôt des personnes physiques, qu’à l’impôt des non-résidents.  

Le contribuable doit formuler la demande d'exonération à l'aide d'un formulaire dont la forme et le contenu, ainsi que son délai d'introduction, sont déterminés par arrêté royal. Certaines limites et conditions sont bien entendu prévues. Nous renvoyons au texte de loi pour plus de précisions. 

Aurélie Blaffart, avocate associée, Miles Legal 

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